ELLE EST PARTIE À TRAVERS LA VILLE

Je me souviens quand son père est mort, je ne savais pas quoi faire.

Je veux réaliser un film sur le sentiment d’impuissance face au deuil d’autrui. Je cherche à travers mon écriture à l’exprimer le plus sincèrement possible. Ce sera un film simple, un geste cinématographique, une danse entre deux comédiens, une invitation à la poésie.

Théophile et Helena sont en couple depuis peu. Théophile veut passer une nuit romantique avec Helena et se rend chez elle pour la première fois. Son projet est interrompu quand Helena apprend la mort de son père. Théophile veut la consoler, mais ne la connaissant pas assez, il se trouve désarmé. Lorsque Helena part dans la nuit, Théophile se retrouve seul et enfermé dans un appartement inconnu, ce qui renforce son sentiment d’impuissance.

Théophile passe toute la nuit à attendre Helena. Les objets de l’appartement amènent Théophile à se questionner sur ce qu’il aurait pu faire autrement pour que la soirée eut été différente. Qu’aurait-il pu dire à la place de ses mots inappropriés ? Helena aurait-elle bu la tisane, dansé dans sa robe bleue, joué de la guitare.

L’attention de Théophile est tournée vers Helena : son désir, son drame, son absence et enfin son retour. Je souhaite capturer les regards et les gestes qu’il porte sur elle en sa présence et sur ses affaires en son absence. Je veux trouver avec mes comédiens ces comportements intimes, et pourtant universels qui expriment les sentiments divers qui peuvent traverser une personne dans ces situations complexes. Ils rendent le film humain.

Je compte mettre en scène des comédiens qui puissent se libérer dans cette chorégraphie de douceur et de magie. Je veux montrer des corps qui dansent sur de la musique, mais aussi sur leur coeur et leur imagination. Deux acteurs dans un espace trop petit pour leur corps, ou leurs moindre déplacements, leurs regards ne peut que se focaliser sur l’autre. J’aime amener mes comédiens ailleurs, les surprendre eux et moi. Il me tarde de travailler avec, Théophile et Helena.

Les émotions de mes protagonistes vont être mis en avant par le son : Il sera proche d’eux, tout en laissant percevoir les sonorités naturelles des différents lieux. Je souhaite trouver un équilibre sonore entre l’intérieur et l’extérieur de l’appartement, entre les émotions et l’environnement, entre la présence physique et l’aura de Helena.

Helena dirige la mise en scène par sa présence ou son absence. Elle dirige la lumière et le mouvement. Lorsqu’elle est présente, la lumière est naturelle et la caméra en mouvements ; alors que la lumière devient artificielle et l’image fixe lorsqu’elle disparaît.

Elle est partie à travers la ville est un huis-clos. L’histoire se déroule dans l’appartement d’Helena. Mais ce décor est formalisé seulement par les meubles, les accessoires, il ne possède pas de murs, hormis une porte, et une grande fenêtre. L’appartement change de lieux en fonction des sentiments de Théophile, projection de son imagination. J’ai la volonté de faire ressentir les émotions de mon protagoniste. La passion, le désir, l’intime se projettent sur un coucher de soleil sur une plage. Au moment du drame, Théophile se sent mal, souhaite partir, un endroit de passage, c’est la nuit dans une station service. Quand Helena part, il se sent abandonné, désorienté, solitaire au milieu d’une grande forêt, perdu dans le noir. Enfin, Helena revient en même temps que la lumière, l’espoir, les promesses, la douceur d’une plage qui accueille le jour.

Dans la continuité de mon court-métrage précédent Au bord de l’infini, je travaille sur le rapport entre les hommes et le deuil, mis en perspective avec des paysages qui nous dépassent. L’humain face à la mort, c’est l’humain face à la nature, à sa nature. Le territoire Corse, que j’ai la chance de parcourir de long en large pendant les différents tournages s’offre à merveille à l’univers cinématographique que je veux mettre en place. Il facilite la mise en place de deux plages différentes à proximité orientées à l’ouest et à l’est (Cap Corse), il possède des stations services isolées, et différents types de forêts accessibles pour un tournage. Ces paysages ont été la clé pour que je trouve la narration de mon film. Ils me permettent d’illustrer les émotions et la fragilité de Théophile.

Je veux que Elle est partie à travers la ville soit un film intime et envoûtant.